Extraits de « Pour ne pas conclure. Quelques réflexions sur la spécificité de cet enseignement » publié dans « La vraie question demeure » Ed. Eoliennes 1996
L’enseignement de Gurdjieff (…) n’a pas de forme définie une fois pour toutes, ce qui signifie : ni dogme ni rite à proprement parler.
Il disparaît sans cesse, et sans cesse doit être trouvé et retrouvé.
Il n’impose aucun renoncement préalable mais demande, dans le cadre de la vie ordinaire, un ensemble de conditions appropriées en vue d’un véritable travail sur soi.
Il s’ouvre sur une perspective de transformation profonde de l’être par l’éveil et la connaissance de soi.
Il implique chez l’homme une quête sincère de la vérité, (…) le recours à l’effort – et au sur-effort – en vue du développement de son pouvoir de conscience.
Il lui permet aussi la découverte et l’accomplissement de certaines possibilités cachées, par une mise en œuvre simultanée et conjuguée de ses capacités intellectuelles, émotionnelles et physiques en vue d’une concentration volontaire sur la lutte dont il est le siège, entre ses tendances positives et négatives.
Cette lutte perpétuelle s’opère en tout chercheur selon le principe de relativité qui régit les rapports des différents niveaux d’énergie en l’homme comme dans l’univers.
Mais parmi ces lignes de force (…), ce qui s’affirme de prime abord comme un trait tout à fait essentiel de ce type d’enseignement, c’est qu’ « il pose devant l’homme, avant tout, l’exigence d’une compréhension »; c’est que « l’homme ne doit rien faire sans comprendre »; c’est qu’il doit « s’assurer par lui-même de la vérité de ce qui lui est dit ».
Or cette exigence première est la source de nombreux malentendus : il nous faut sans relâche revenir au sens que Gurdjieff donne à cette nécessité impérieuse d’une compréhension vécue, où l’être s’engage tout entier. Nous sommes loin de la fausse exigence de l’homme ordinaire, qui s’arroge le droit de réduire toute vérité au système d’explications qui régit les mouvements de sa pensée associative.
De plus, l’accent est mis sur l’homme, sur la quête individuelle de la connaissance, sur le travail qu’il lui faut faire pour se connaître en vue de se transformer et de s’accomplir.
(…) Une place importante est donc réservée par Gurdjieff à la méditation profonde, au silence, comme retour à la source même de toute connaissance… Il s’agit bien là d’une pratique spirituelle où la vision théorique indispensable n’est pas arbitrairement sevrée d’un contact vivifiant avec l’expérience en cours, telle qu’elle est vécue et ressentie.
(…) Efforts de compréhension et mise à l’épreuve des idées, voilà qui fait ressortir le caractère dynamique de cet enseignement : la croissance de l’être demande en effet une connaissance directe et une maîtrise graduelle des mouvements de notre énergie sur ses différents plans de manifestation.
(…) L’aventure se poursuit – en profondeur. Elle entretient en nous l’évidence d’une permanence secrète : la conscience ne cesse de s’offrir à nous. Mais pour l’accueillir, pour y prendre part, pour l’entretenir, pour en témoigner, que d’efforts à tenter, à renouveler – que de « sur-efforts ».
C’est bien là ce que Gurdjieff appelle le « Travail ».